* Antonis Ntavanellos et Sotiris Martalis sont membres de l’organisation révolutionnaire DEA (Gauche ouvrière internationaliste), co-fondatrice, il y a une décennie de Syriza. DEA est aujourd’hui une force de premier plan au sein de la Plateforme de gauche de Syriza. Ils sont tous les deux membres de la direction nationale de Syriza, A. Ntavanellos est membre de la Coordination exécutive et S. Martalis du Comité central. Le 7 février dernier ils se sont adressés aux militants des États-Unis, parlant par vidéoconférence de la victoire de Syriza, des premiers jours du nouveau gouvernement Tsipras et des luttes à venir. Après une introduction d’Antonis Davanellos, ils ont répondu à de nombreuses questions de l’auditoire. Le site web de l’hebdomadaire de l’Organisation socialiste internationaliste (ISO, États-Unis) – SocialistWorker.org – a publié la retranscription (réalisée par Karen Domínguez Burke, revue par les auteurs) de leurs interventions, que nous reproduisons ici (traduit de l’anglais par JM et la revue électronique suisse À l’encontre, les intertitres sont de la rédaction d’Inprecor).

Accord gouvernemental avec ANEL

Au cours de la même période, Tsipras a conclu un accord gouvernemental avec les Grecs Indépendants (un parti de droite, connu sous le sigle ANEL), contrairement à la position de Syriza qui avait décidé de former un gouvernement de la gauche.

Il me semble qu’en dehors de la Grèce il y a des personnes qui pensent que Syriza a de ce fait passé un accord avec un parti similaire à Aube dorée. Ce n’est pas le cas. Les Grecs Indépendants est un parti qui vient de la droite, mais qui a pris position contre les mémorandums, ce qui l’a forcé à modifier ses positions conservatrices sur certaines questions spécifiques : ainsi, dans son programme ANEL est en faveur des privatisations, mais au cours des cinq dernières années il a été contre chaque privatisation concrète, car elles étaient réalisées dans le cadre des mémorandums.

Après l’annonce de l’accord avec ANEL, notre organisation a publié une déclaration contre cette alliance. Nous avons rappelé que cela était contraire aux décisions de la conférence de Syriza, rejetant les alliances avec le centre gauche donc, a priori également, avec le centre droit. Nous avons dit que cette alliance avec ANEL sera une courroie de transmission des pressions conservatrices sur le gouvernement. Mais pour être honnête, je ne crois pas que votre attention mérite de se concentrer sur ANEL au cours des prochains jours, car il y a d’autres facteurs beaucoup plus déterminants et décisifs dans le domaine de ce que le gouvernement fera ou ne fera pas. La menace que représentent les Grecs Indépendants sera pour nous un problème plus facile à résoudre en comparaison avec d’autres problèmes beaucoup plus sérieux : comment traiter avec les créanciers internationaux, avec la classe dominante grecque et avec l’État existant.

Affrontement

Après la formation du gouvernement, les négociations avec les créanciers de la Grèce ont commencé et, comme nous l’avons vu, l’Union européenne c’est-à-dire la Commission européenne, la Banque centrale ainsi que le gouvernement allemand ont adopté une position très dure. Ils essayent d’humilier le gouvernement nouvellement élu en Grèce, avec l’objectif clair de l’isoler afin de parvenir à le renverser.

C’est le nouveau ministre des finances, Yanis Varoufakis, qui doit leur faire face. Il n’est pas membre de Syriza, c’est un ex-social-démocrate qui a été choisi par les dirigeants de Syriza pour être ministre. Il essaye de manœuvrer contre la pression exercée par l’UE en modifiant les positions fondamentales de Syriza sur la question de la dette dans l’espoir de parvenir à un compromis avec Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances.

Nous ne savons pas quel sera le résultat de ces manœuvres. C’est une situation nouvelle et imprévisible. Mais nous connaissons l’importance de ces changements pour la Grèce : elle est immense tant en ce qui concerne la future politique intérieure que la future politique extérieure.

En Grèce, le sentiment qui domine, c’est qu’on doit soutenir le gouvernement mais aussi que le gouvernement ne doit pas transiger avec les créanciers. Il y a deux jours, le 5 février, après un appel de dernière minute et très peu d’organisation, plus de 10 000 personnes se sont rassemblées sur la place Syntagma en soutien au gouvernement, mais en même temps pour lui demander de ne pas reculer.

Ce sera une situation très compliquée. Même si la direction de Syriza veut faire un compromis, il n’est pas du tout certain qu’elle pourra le faire. Il y a de nombreux indices qui montrent que le mouvement ouvrier en Grèce est prêt à lutter et, maintenant, alors que du fait de la victoire de Syriza nous assistons à la renaissance de l’espoir, je pense qu’il pourra lutter encore mieux.

Mais nous devons avoir aussi à l’esprit l’importance du changement à l’échelle internationale. Il y a quelques jours, j’étais en Allemagne pour une réunion publique sur le gouvernement de gauche en Grèce. Les participants disaient que c’est la première fois depuis vingt ans qu’il y avait en Allemagne un débat public sur une autre voie possible que celle du néolibéralisme. C’est très important. En Espagne vous pouvez voir l’alternative : après celui de Syriza, le second exemple d’un succès électoral de la gauche c’est Podemos. C’est une véritable menace pour les classes dominantes en Europe et pour les dirigeants de l’UE.

Je ne sais pas exactement ce qui va se passer – personne ne le sait. Nous pouvons gagner et nous pouvons être vaincus. Nous ne connaissons pas la fin de l’histoire. La seule chose que je peux vous dire, c’est que nous allons lutter pour vaincre. Personne ne devrait oublier que Syriza est un parti d’un type particulier : c’est un réseau de militant.e.s avec en son sein une gauche forte qui n’a pas été défaite.

[Après cette introduction, il y a eu des interventions et des questions – que Socialist Worker n’a pas reproduites – puis un premier tour des réponses des deux intervenants grecs, Antonis Ntavanellos suivi par Sotiris Martalis.]

Premiers pas en avant du gouvernement

Antonis Ntavanellos : On nous a demandé comment les mouvements de masse ont réagi au nouveau gouvernement. C’est trop tôt pour le dire, le gouvernement n’a même pas présenté à ce stade son programme officiel, de sorte que nous en sommes vraiment au tout début. Il y a quelques jours il y avait une manifestation sur la place Syntagma en soutien au gouvernement contre les menaces proférées par Schäuble. Il y a de plus des discussions et des réunions dans les syndicats et sur de nombreux lieux de travail, concernant les demandes qui pourraient être présentées au gouvernement et comment faire pour pousser vers des solutions. Nous en sommes à ce point pour le moment.

Par exemple, les travailleurs de l’ERT (la station publique de radio-télévision qui a été fermée par le précédent gouvernement en 2013, ce qui a conduit à l’occupation de son bâtiment principal) disent que, pour l’instant, ils vont attendre que le gouvernement présente sa solution pour la réouverture de la station. Nous sommes en discussion avec ces travailleurs sur la nécessité de se mobiliser pour que cela se produise rapidement. Mais cela indique le sentiment que, jusqu’à maintenant, le gouvernement est apprécié.

En ce qui concerne la Plateforme de gauche de Syriza et plus généralement la gauche au sein de Syriza, tous ces courants radicaux – à l’exception de DEA – ont fait le choix de participer au gouvernement et y ont des représentants.

Par exemple, le Courant de gauche – qui forme avec nous la Plateforme de gauche – a quatre ministres importants dans le nouveau gouvernement. L’aile radicale du courant Unité de la gauche – dont Tsipras fait partie – a cinq ministres. Le DEA a deux parlementaires, deux femmes, dont l’une est également la plus jeune députée – une est membre de DEA et l’autre, de Kalamata, est une sympathisante.

Quant à l’attitude de la classe dirigeante en Grèce face à Syriza et le conflit à ce niveau, pour le moment il est au second plan, car la principale question c’est la négociation avec l’Europe et ce qui concerne la dette.

La classe dominante grecque ne soutient pas ce gouvernement, mais elle lui demande de passer un compromis avec l’Union européenne. Pour sa part, la direction de Syriza tente de convaincre la classe dirigeante, à travers les médias etc., que Tsipras trouvera la solution sans que cela ne provoque une crise majeure. Mais tout cela est hypothétique, car c’est basé sur l’estimation que Schäuble acceptera un compromis et que tant la base sociale de Syriza que ses membres l’accepteront également.

En réalité, ce n’est pas du tout certain – des deux côtés d’ailleurs. Je pense que Schäuble ne peut même pas accepter la proposition modérée de Yanis Varoufakis, bien que cette proposition soit déjà en contradiction avec les positions adoptées publiquement par Syriza. En même temps, au sein de Syriza vous pouvez déjà entendre des voix protestant contre les concessions contenues dans le plan de Varoufakis.

Je pense que ce n’est que le premier chapitre du livre. Le deuxième chapitre concernera la taxation des grandes entreprises et des riches, l’arrêt des privatisations et la récupération des grandes entreprises qui ont été privatisées et, surtout, la question du contrôle des banques.

Aube dorée, islamophobie, immigrés

Il y a eu une question concernant Aube dorée, l’islamophobie et l’orientation de Syriza en ce qui concerne les immigrés en Grèce.

Le résultat électoral d’Aube dorée a été la seule tache sombre de ces élections. Son résultat a été un tout petit peu plus bas que lors des dernières élections, mais les nazis ont encore emporté 6 % des suffrages.

La principale chose à dire, c’est que Aube dorée a été contrainte de changer son mode d’intervention pour pouvoir maintenir son influence. Jusqu’à il y a six mois, elle était structurée de façon à exercer la violence armée dans les rues : les voyous nazis attaquaient les immigrés, les gays, les syndicalistes et les militants de gauche.

Après la mort de Pavlos Fyssas (un musicien rappeur et antifasciste, assassiné par un membre d’Aube dorée en septembre 2013) et les mobilisations de masse qui ont forcé Nouvelle Démocratie et l’État à entreprendre des poursuites légales contre Aube dorée, cette orientation s’est effondrée. Maintenant les nazis se demandent s’ils ne devraient pas se tourner vers une stratégie électorale et peut-être tenter de coopérer avec Antonis Samaras (le Premier ministre précédent et leader du principal parti de centre droit, Nouvelle Démocratie). Cela fait suite à sa défaite électorale qui a provoqué une crise grave à l’intérieur de Nouvelle Démocratie. Il y a une confrontation entre la ligne dure de Samaras et les positions traditionnelles de centre droit de ceux qui sont autour de Kostas Karamanlis. Un bon nombre de partisans de Karamanlis accusent Samaras d’avoir transformé Nouvelle Démocratie en un groupuscule d’extrême droite.

En ce qui concerne l’islamophobie, Syriza est un parti qui s’est construit dans la lutte contre le racisme. Pour la grande majorité de ses membres et sympathisants, l’islamophobie est donc ce contre quoi ils luttent. Les sections locales de Syriza sont actives dans le soutien aux immigrés et la lutte contre l’islamophobie, mais il s’agit surtout d’ initiatives prises à la base.

Le nouveau gouvernement a nommé comme ministre en charge des questions de l’immigration une militante antiraciste radicale, Tasia Christodoulopoulou. Tous les autres partis – d’abord ANEL, suivi par Nouvelle Démocratie et le PASOK – se sont élevés contre cette nomination, demandant comment une militante radicale pouvait être ministre et appliquer les lois sur l’immigration.

D’ici un mois il y aura une manifestation pour demander la régularisation des immigrés, les pleins droits civiques pour les enfants des immigrés, l’accueil des réfugiés qui fuient la guerre et l’élimination des camps où des immigrés sont détenus. Comme vous le voyez, c’est un combat permanent, mais nous sommes aujourd’hui dans une bien meilleure position.

Syriza et les autres partis

En ce qui concerne les rapports entre Syriza et les autres partis en Grèce, il faut d’abord souligner que nous avons vécu non seulement une victoire électorale de Syriza, mais une victoire politique majeure.

Regardons l’ensemble des résultats : Syriza a remporté 36,3 % des suffrages, suivi par l’ancien parti gouvernemental, Nouvelle Démocratie, qui n’a eu que 27,8 %. Tous les autres partis – y compris le PASOK, auparavant le principal parti de centre gauche – n’ont eu que 6 % de suffrages, voire moins. Cela indique la domination de Syriza au sein du nouveau Parlement, ce qui ouvre de nombreuses options au gouvernement – à condition qu’il les utilise.

L’une des premières actions du nouveau Parlement, par exemple, a été d’élire une présidente. La candidate présentée par Syriza, Zoe Konstantopoulou, a obtenu 235 voix sur 300. Cela signifie que bien plus de député·e·s que les seuls membres de Syriza – ceux du KKE, des partis de centre gauche – ont voté pour la candidate de Syriza.

Au sujet des deux autres partis de la gauche : le KKE a maintenu son hostilité concernant la possibilité d’une coopération avec Syriza, ce que les gens appellent une attitude sectaire. À mon avis leur attitude n’est pas simplement sectaire, mais elle est aussi complètement politiquement abstentionniste et passive. Ils continuent d’attaquer Syriza en premier, avant de s’en prendre à Nouvelle Démocratie. Le parti a maintenu qu’il ne soutiendrait pas Syriza en cas d’un vote de confiance (ce qui aurait permis à Syriza de former un gouvernement sans rechercher des alliances).

À mon avis, Tsipras a fait un grand cadeau à la direction du KKE en réalisant immédiatement un accord en vue de la formation d’un gouvernement avec le soutien et la participation des Grecs Indépendants. S’il avait insisté pour se présenter devant le Parlement en demandant un vote de confiance sur le programme de Syriza – ce que, bien entendu, nous soutenons – je crois que le KKE se serait trouvé dans une posture très difficile en maintenant son orientation sectaire, sans que Syriza perde d’autres soutiens.

Antarsya (une coalition d’organisations anticapitalistes qui a obtenu 0,6 % des suffrages et n’est pas représentée au Parlement) est en difficulté. Ses résultats électoraux sont légèrement meilleurs que ceux obtenus lors des élections parlementaires de juin 2012, mais ils sont inférieurs à ceux de mai 2012. Actuellement la coalition est très divisée en son sein. Une partie soutient à juste titre le gouvernement Syriza alors qu’une autre poursuit son rejet.

C’est là où en sont les choses pour Syriza et les autres partis de la gauche. Cela étant, je crois que la question du rapport de forces au sein de Syriza est la question la plus importante.

La gauche dans Syriza

À gauche au sein de Syriza il y a la Plateforme de gauche – qui réunit DEA et le Courant de gauche. Lors de la dernière conférence, en juillet 2013, la Plateforme de gauche a obtenu 30 % des votes des membres de Syriza et chacun considère qu’à la suite de la conférence la Plateforme de gauche s’est renforcée.

Un nouveau développement réside dans une rupture parmi les partisans de Tsipras au sein de son courant, la Gauche unie. Cette scission en direction de la gauche a été annoncée publiquement par le biais d’une lettre ouverte signée par 53 cadres de Syriza – on y fait donc référence en parlant des « 53 ». Le point important est que si l’on ajoute le soutien obtenu par la Plateforme de gauche à celui des 53, les deux forment ensemble une partie importante du Comité central de Syriza.

Cette situation explique pourquoi Tsipras et la direction du parti n’ont pas convoqué de réunion du Comité central et qu’ils ont agi seuls au cours des dernières semaines avant les élections. Ils ont pu faire cela sans dommage pour eux, mais la pression à l’intérieur du parti sur les questions de démocratie est forte et s’accroît.

Il semble que la direction planifie une réorganisation du parti, ce qui signifie qu’une nouvelle conférence sera convoquée très rapidement avec l’élection d’un nouveau Comité central. Par ce biais Tsipras peut espérer modifier les rapports de forces au sein de Syriza en sa faveur et en défaveur de la gauche. Cela fonctionnera-t-il ? Nous verrons. Ce ne sera pas une tâche aisée. Mais, pour être tout à fait honnête, la nouvelle situation ouverte par les élections est confuse et chaotique et personne ne sait exactement ce qui va se passer ensuite.

J’ai dit que les autres forces de gauche au sein de Syriza, à l’exception de DEA, ont accepté de participer au gouvernement. Nous avons décidé de ne pas participer – pas seulement aux postes gouvernementaux, mais également à des postes dans l’appareil d’État. Nous tenterons de rester une force présente dans les mouvements sociaux ainsi que dans la Plateforme de gauche au sein de Syriza.

Je vais maintenant dire quelques mots sur le DEA. Nous sommes toujours une petite organisation, bien que nous ayons doublé notre taille depuis nos débuts. La plus importante chose à dire est que nous sommes une organisation très saine, disposant de relations dans de nombreux syndicats, mouvements sociaux et organisations locales de Syriza. Nous agissons de manière transparente, en tant que membres de DEA, représentant notre organisation.

Nous avons renforcé DEA. Au moyen, par exemple, d’une grande campagne autour de notre journal. Nous réalisons un journal bien plus gros et, pour la première fois, notre journal est vendu non seulement par nos membres mais aussi dans des centaines de kiosques, ce qui est un pas en avant important.

Certains, au sein de Syriza, estiment que la gauche est actuellement isolée. Nous n’avons pas ce sentiment. Nous savons que notre position dans Syriza est minoritaire, mais nous avons une très grande audience, un large cercle de sympathie qui respecte les positions politiques que nous prenons.

Je voudrais aussi faire quelques commentaires sur la situation hors de Grèce, en Europe. Les politiques d’austérité et néolibérales qui dominent encore, ainsi que les scores obtenus par des partis de droite dans des pays comme la France et l’Italie forment une partie du tableau. Mais nous ne devrions pas perdre de vue les signes de changement. La victoire électorale de Syriza en Grèce est un exemple. Le soutien important en faveur de Podemos en Espagne en est un autre (selon un sondage publié dimanche 8 février 2015, plus de 27 % des personnes sondées voteraient pour Podemos si les élections législatives se tenaient maintenant). Sinn Fein a progressé en Irlande et, pour la première fois après plusieurs années, de bonnes nouvelles proviennent du Portugal. Il y a aussi en Allemagne des signes qui montrent que la situation peut changer.

Cependant, une fois cela dit, il est absolument clair que les gouvernements et les institutions européennes s’attaqueront au programme que Syriza met en avant. Contre cela, toutes les forces radicales au sein de Syriza partagent un slogan : « pas un pas en arrière ». Nous insistons sur notre programme et nous agirons pour le mettre en œuvre – pour utiliser une référence des mouvements aux États-Unis, « by any means necessary » (« par tous les moyens nécessaires » – Malcolm X).

Et la formule « par tous les moyens nécessaires » inclut la compréhension que l’affrontement avec l’Union européenne pourrait signifier la sortie de l’euro et un retour à une monnaie nationale. Nous n’en sommes pas partisans comme premier choix, ou, pire, comme une méthode visant à sauver le capitalisme grec de la crise. Il ne s’agit pas d’un plan B pour une relance économique en Grèce, ainsi que certains économistes l’ont proposé. Au contraire, il s’agit d’une orientation politique affirmant que nous sommes déterminés à renverser l’austérité et que nous terminerons cette tâche par tous les moyens nécessaires.

Syriza, KKE, Antarsya et les syndicats

Sotiris Martalis (en réponse aux questions, premier tour) : Je voudrais faire un commentaire au sujet des rapports entre Syriza, les syndicats et le KKE.

Les forces de Syriza au sein des syndicats se sont accrues au cours de la dernière période. Toutefois, jusqu’à maintenant, la plupart des syndicats sont dirigés par des sociaux-démocrates. Sur la plupart des questions, ils gagnent avec le soutien de forces plus conservatrices. Mais, au cours de l’année dernière, il y a eu de nombreuses divisions, les forces de Syriza se retrouvant dans une position plus forte, ce qui a conduit certains sociaux-démocrates à nous approcher en nous soutenant ou en proposant des alliances. Nous sommes convaincus que ce mouvement va se poursuivre et que Syriza continuera à se renforcer dans les syndicats.

Des membres de KKE ont mené une politique sectaire aussi bien au sein des syndicats qu’au niveau politique. Durant longtemps le KKE et Antarsya ont formulé des revendications similaires à celles de Syriza : arrêter les licenciements, réengager les employés du secteur public, rouvrir des services publics et des entreprises qui ont été fermés ainsi que mettre un terme aux diminutions de salaires. Désormais ils discutent de l’exigence que le gouvernement augmente immédiatement les salaires de 35 % ou plus, à leur niveau de 2009. On remarque qu’il s’agit là non d’une politique visant à ancrer Syriza à gauche mais plutôt à diviser la lutte.

Je partage l’opinion d’Antonis selon laquelle DEA n’est pas isolée au sein de Syriza : nous savons qu’une grande partie de la gauche de Syriza considère DEA comme une composante importante de la Plateforme de gauche et qu’elle continuera à trouver des manières de travailler avec nous. Je voudrais aussi ajouter qu’en décembre DEA a tenu une conférence d’unification avec une plus petite organisation, Kokkino, ainsi nous sommes plus forts et plus capables de nous construire au sein de Syriza.

Pour ce qui a trait à l’attitude des travailleurs et des forces populaires vis-à-vis du nouveau gouvernement, de nombreuses décisions symboliques ont permis à Syriza de recevoir un soutien important. Le jour suivant les élections, par exemple, Tsipras a marqué des points en se rendant au monument national de la résistance à Kaisariani, où des nazis exécutèrent 200 personnes, la plupart d’entre eux communistes, le 1ermai 1944, lors de l’occupation de la Grèce au cours de la Seconde Guerre mondiale. Tsipras y a déposé une couronne en mémoire des victimes.

Ce même premier jour, les travailleurs enlevèrent les grilles qui entouraient le Parlement. Celles-ci étaient destinées à arrêter les manifestant·e·s. Au même moment, les nouveaux ministres annonçaient que Syriza honorerait ses promesses de mise en œuvre de mesures telles que rétablir le salaire minimum à 751 euros (au lieu des 530 actuels), de rétablir les conventions collectives de travail, de ne pas imposer les revenus en dessous de 12 000 euros1, etc. Tout cela a donné beaucoup d’élan au gouvernement ainsi que beaucoup d’espoir aux gens qu’il allait rester ferme sur ses engagements. Il nous reste à voir comment le gouvernement fera face aux créanciers internationaux afin de disposer d’argent pour honorer ces promesses.

Mouvements de masse avant les élections

Antonis Ntavanellos (deuxième tour des réponses) : Je vais commencer par parler du mouvement des travailleurs avant les élections. Il est manifeste que la Grèce a connu un important mouvement de résistance jusqu’en 2012. Entre 2010 et 2012, il y a eu plusieurs grèves nationales et journées d’action nationales ainsi que de nombreuses batailles sur les lieux de travail, qui formèrent la colonne vertébrale des manifestations de masse impliquant la participation de plusieurs centaines de milliers de personnes.

Cette expérience était importante pour les travailleurs et travailleuses de bien des manières. La plus importante a cependant été qu’elle leur a enseigné que pour que leurs revendications mêmes minimales contre l’austérité soient satisfaites, ils devraient battre le gouvernement et expulser la troïka. Les travailleurs grecs ont tenté de le faire grâce à leurs propres luttes et manifestations, mais, à ce point, ils ont dû faire face à la force brutale de l’État. Nous nous sommes trouvés devant non seulement la police, mais aussi devant les forces spéciales militaires, avec leur armement.

C’était une expérience très difficile et, à partir de 2012, les travailleurs ont reporté leurs espoirs sur les élections comme moyen de battre les gouvernements des mémorandums. La conclusion peut être résumée ainsi : nous pouvons préférer les luttes qui mettent les travailleurs au centre de la scène socio-politique, mais nous ne pouvons choisir les conditions auxquelles nous sommes confrontés.

Il est important de dire que cela n’a pas constitué un tournant à droite depuis 2012. C’est une chose tout à fait claire. C’est pourquoi Syriza a gagné. Parce que la masse de la classe ouvrière tente de réaliser des changements de leurs conditions en soutenant une alternative de gauche aux élections. D’où l’importance de la perspective effectivement de gauche, avec le débat qui s’en est suivi et qui continue.

En parallèle, bien entendu, des luttes sociales et de travailleurs continuaient. Je pense que c’est un fait important dont chacun devrait se souvenir car cela implique que les conditions existent pour qu’un grand mouvement réapparaisse très rapidement. Ceci constitue un message pour la classe dominante, mais aussi pour le nouveau gouvernement.

Je veux dire aussi quelque chose au sujet du Mouvement des places, la croissance des assemblées populaires, etc. Si on les considère avec du recul, ils n’ont pas eu un impact aussi important que beaucoup de gens hors de Grèce le pensent. Pour un moment, les occupations d’espaces publics étaient très importantes, mais ce mouvement n’est pas allé très au-delà.

Je crois qu’ici en Grèce – bien que cela ne soit pas vrai pour de nombreux pays – la force sociale centrale du mouvement de résistance a été la classe ouvrière organisée. Par organisée, j’entends structurée sur les lieux de travail, prête à mener des grèves et des luttes. Nous n’avons pas eu, en Grèce, le même genre de sentiment que ce que les gens appellent « antiparti » ou « antipolitique ». Il est essentiel de reconnaître que la majorité des travailleurs estiment que pour faire aboutir un changement dans leurs vies, ils doivent soutenir un parti de gauche aux élections.

Stratégie et tactique de transition

Dans les circonstances concrètes actuelles, différentes forces de la gauche – y compris DEA et le Courant de gauche, au sein de Syriza – soutiennent l’idée de reconstruire les comités populaires, c’est-à-dire unifier les organisations locales de résistance. Nous ne sommes qu’à un stade balbutiant, c’est une chose dont nous débattons et que nous préparons, mais qui n’est pas encore réalisée.

Dans l’État espagnol, le développement de la résistance a été différent. Là, le mouvement d’occupation des Indigné.e.s était une composante bien plus forte de la résistance. Je crois que c’est ce qui est la base de la création de Podemos. Au sein de Podemos, nous entretenons des liens avec Anticapitalistas. Je pense que c’est l’effort le plus sérieux de structuration au sein de Podemos contre l’influence de ces idées antipolitiques ou opposées à la gauche qui pourraient sérieusement porter atteinte à ce mouvement qui suscite tant d’espoirs.

Le mouvement Podemos est très important pour la Grèce. Peut-être que l’événement le plus important pour nous après les élections a été la manifestation massive à Madrid organisée par Podemos, réunissant le 31 janvier des centaines de milliers de personnes manifestant en solidarité avec la Grèce et faisant la démonstration de l’unité de la résistance à travers l’Europe.

Quelqu’un a posé une question sur les partis socialistes en Grèce et sur la raison pour laquelle ils ne s’étaient pas déplacés sur la gauche à l’occasion de la crise. L’explication, selon moi, réside dans les pratiques des partis socialistes au cours des 20 ou 30 dernières années. Ils se sont déplacés fortement vers la droite, ce qui a impliqué l’établissement de liens avec les classes dominantes qu’ils ne peuvent briser maintenant. Je pense qu’il est impossible pour le SPD, en Allemagne, de revenir à ce qu’il était dans les années 1970.

Ceci dit, je crois que le seul chemin que l’on puisse emprunter est celui que nous avons parcouru en Grèce. Pour que la gauche progresse, elle doit ignorer les partis socialistes. Le PASOK, en Grèce, qui a été l’un des partis socialistes les plus forts d’Europe, n’existe plus, de fait. Il a obtenu moins de 5 % du vote et il ne peut plus mobiliser les gens dans des manifestations.

À propos de la question sur l’importance de l’augmentation du salaire minimum à son niveau antérieur à l’austérité. C’est une question cruciale. Mais pas seulement pour les conditions de vie des travailleurs qui sont payés au salaire minimum. Plus important, cette mesure, en parallèle avec le rétablissement des conventions collectives de travail, envoie un message politique à la majorité de la classe ouvrière : nous commençons à marquer des points, et il y en aura d’autres à l’avenir. Le titre de la « une » de notre journal en ce moment est le suivant : « Nous allons tout reprendre ».

Le salaire minimum a un impact sur les revenus à tous les niveaux. Si le salaire minimum croît, il poussera tous les salaires au-dessus de son niveau. Cela est donc très important et je suis convaincu que nous allons voir la classe dominante faire des pressions sur Tsipras pour qu’il renvoie cette mesure à plus tard et recule là-dessus.

Quels sont les obstacles que Syriza place devant les mobilisations de la classe ouvrière ? Je crois que la réponse à cette question est celle-ci : il n’y en a pas. Nous devons modifier notre manière de penser, pour le moins sur les conditions qui existent en Grèce. Nous ne pouvons expliquer que tout ne fonctionne pas en affirmant que les problèmes sont causés par la direction. Il y a quelque chose d’autre qui est très important : les rapports de forces au sein de la société.

Cela ne signifie pas que la direction de Syriza n’a aucune responsabilité sur ce qui se passe. Elle a des responsabilités sérieuses et nous exigeons qu’elle se montre à la hauteur. Mais, en réalité, il n’y a pas un bouton magique sur lequel Tsipras peut appuyer et provoquer des mobilisations de la classe ouvrière en Grèce.

Le fait que notre courant politique ait une stratégie et une tactique de transition est très important. Nous partons des conditions réelles du mouvement de la classe ouvrière et nous tentons d’avancer des étapes concrètes afin d’obtenir des résultats et ainsi augmenter la confiance des travailleurs en eux-mêmes. Je profite de cette occasion pour remercier à nouveau Haymarket Books2 pour avoir contribué à la publication en Grèce d’un livre sur le IVe Congrès de l’Internationale communiste, en 1922. Nous pensions qu’avec nos relations avec Syriza, nous dégagions un nouveau chemin pour la gauche radicale. Mais, à la lecture de ces documents, nous avons réalisé que la voie avait été empruntée il y a des années… Introduire ces idées, dans un livre destiné à la gauche grecque a été d’une grande aide pour nous.

Cela m’amène à parler des leçons que l’on peut retenir dans d’autres pays de l’expérience de Syriza. À ce point, je dois être très honnête. Il n’est pas possible, pour quiconque, de transférer ces leçons à l’échelle internationale pour la gauche. Syriza est le résultat concret de conditions concrètes de la lutte de classe concrète en Grèce.

Personne ne peut expliquer le développement qu’a connu Syriza sans tenir compte des mobilisations massives de la classe ouvrière il y a trois ans. C’est ce qui est à la base de la montée de Syriza et de sa victoire lors des élections. Mais cela n’était pas le seul facteur. Il y a dix ans, il y avait en Grèce d’immenses mobilisations contre la mondialisation capitaliste, la création du Forum social grec ainsi qu’un mouvement contre la guerre. Ceci constitue également l’une des racines de Syriza.

À la suite de cette expérience, nous avons tenté de continuer ce que nous avions commencé dans le Forum social grec en constituant une formation politique. Dix ans après la fondation de Syriza, nous sommes heureux de dire que nous avons fait un excellent travail. Mais il faut souligner que c’est une période de dix ans de batailles, de développements spécifiques à la gauche grecque, etc. Nous ne pouvons donc donner des leçons à quiconque.

Une fois que nous avons posé cela, ainsi que je l’ai dit auparavant, il est très important pour quelque courant politique que ce soit de tenir à certaines idées stratégiques fondamentales. Ici, je crois que le concept de revendications transitoires et la stratégie qui l’accompagne sont très importants. C’est la raison pour laquelle nous faisons référence à Lénine, à Trotski et à Rosa Luxemburg. Avec ces idées, nous avons passé de moments où nous nous trouvions en petite minorité à d’autres où nous sentons que nous nageons dans le courant.

La question de l’euro

Je voudrais m’arrêter plus longtemps sur la question de la sortie de l’euro. Ainsi que je l’ai dit, notre approche sur cette question se situe par rapport à ce qui nous rapprochera du socialisme. Elle n’est donc absolument pas la même que celle d’économistes qui pensent que la sortie de l’euro allégera la crise grecque dans le cadre du capitalisme.

C’est pourquoi nous n’avons pas l’impression de dire la même chose que Costas Lapavitsas3. Costas est un radical. Ses propositions pour sortir de l’euro viennent de la gauche, mais nous ne sommes pas d’accord avec l’idée que changer de monnaie poussera la société grecque hors de la crise. Si les rapports de forces entre les travailleurs et la classe dominante restent les mêmes, le passage à une monnaie nationale pourrait être un désastre pour les travailleurs en leurs faisant porter tout le poids d’une immense dévaluation.

Passer à une monnaie nationale fondée sur une dévaluation permanente afin que l’économie grecque devienne plus compétitive avec d’autres pays ne constitue pas précisément une marche en direction de l’émancipation sociale. Cela peut être une progression vers une misère et une pauvreté encore pires.

D’un autre côté, toutefois, nous préférons les idées économiques avancées par Lapavitsas que celles de Yanis Varoufakis. Les idées de Varoufakis sont simplement sociales-démocrates. Il est convaincu qu’il détient un mécanisme plus intelligent pour négocier sur la dette, avec lequel la Grèce payera toute la dette, mais de telle sorte que personne ne perde : ni les travailleurs grecs, ni les créanciers, personne. Il propose que la Grèce puisse émettre de nouvelles obligations conditionnant les remboursements à la croissance de l’économie grecque, aux taux d’intérêt de l’Euribor proposé par les banques et d’autres choses encore.

Je pense que l’espoir de Varoufakis d’éviter l’affrontement avec la classe dominante et de sauver l’économie grecque au moyen de ses idées financières est simplement un fantasme social-démocrate qui conduira à un grand revers. Je ne suis pas du tout sûr que Schäuble acceptera ce que Varoufakis propose. Dans quelques jours les ministres des finances de l’Eurogroupe se réuniront pour discuter du plan et prendre une décision. Ce sera un moment de vérité pour le nouveau gouvernement.

Ainsi que je l’ai dit, nous ne partons pas de la question de savoir si la Grèce devrait rester dans l’euro ou partir. Nous partons de l’idée que nous devons organiser notre classe afin d’affronter et de renverser l’austérité. De cette manière, nous pourrons dégager la voie pour quitter l’ère du néolibéralisme et pour se diriger vers le socialisme.

Deux faces des critiques du gouvernement

Je finirai avec la question de l’accord entre Syriza et ANEL ainsi qu’avec les discussions au sein de la Plateforme de gauche. Nous ne sommes pas d’accord avec la conclusion d’une alliance avec ANEL. Ce n’est pas seulement parce que ANEL est lié avec l’Eglise orthodoxe grecque ou parce que c’est un parti nationaliste grec dur. Tout cela est vrai, mais le problème principal est que la présence d’ANEL dans un gouvernement de la gauche sera la courroie de transmission pour que la classe dominante fasse pression sur le gouvernement.

C’est pourquoi nous nous opposions à un accord avec ANEL depuis le début et c’est pourquoi soyez certains que nous serons les premiers à faire pression pour que le fondateur d’ANEL, Panos Kammenos, actuellement ministre de la Défense, sorte du gouvernement aussi rapidement que possible. Franchement, je crois que cela sera une chose aisée lorsque le moment arrivera.

Il y a cependant un autre danger dont les gens devraient être conscients. Martin Schulz (SPD), le président du Parlement européen et le leader de l’alliance européenne des partis de centre gauche, est venu à Athènes et il a déclaré que c’était une honte que Syriza fasse une alliance avec les Grecs Indépendants. Son alternative était que Syriza devrait s’allier avec le PASOK.

C’est une pure hypocrisie. Au cours des trois dernières années, les socialistes européens soutenaient un gouvernement Nouvelle Démocratie auquel participait le PASOK et dont le Premier ministre de droite dure avait des relations avec Aube dorée. Et maintenant ils parlent de lutter contre la droite ?

Je pense que Tsipras a conclu cet accord avec les Grecs Indépendants parce qu’il voulait former un gouvernement le jour suivant les élections. S’il avait été contraint d’agir comme nous le proposions – c’est-à-dire attendre deux semaines jusqu’à l’ouverture de la nouvelle session du Parlement et chercher un vote de confiance pour que Syriza gouverne seul – cela aurait impliqué qu’Antonis Samaras reste en poste deux semaines supplémentaires et il se serait trouvé en position de faire des choses très dommageables, comme le retrait massif de dépôts bancaires ou la fermeture de certaines grandes entreprises afin de créer un climat de panique. Cela aurait pu créer les conditions pour que le Parlement n’accepte pas les résultats des élections.

Je pense donc que Tsipras a agi aussi rapidement que cela parce qu’il craignait que deux semaines soient un moment long et dangereux dans une situation comme celle-ci. C’est la raison pour laquelle les discussions au sujet d’ANEL sont plus sereines en Grèce. Tout le monde sait que c’est un problème, mais c’est un problème auquel nous pouvons nous affronter. Il y a des menaces plus dangereuses pour la gauche que la présence d’ANEL au gouvernement.

Les discussions au sein de la Plateforme de gauche sont donc très difficiles. Dans des moments politiques cruciaux, la formation et la culture politique de chaque composante de Syriza feront surface. Ainsi, par exemple, en raison de notre tradition politique, il était plus aisé pour DEA de remarquer les problèmes posés par les idées de Varoufakis – au contraire des camarades du Courant de gauche, dont les origines sont staliniennes et pour qui le Front populaire constitue un héritage important.

Il y a donc des confusions au sein de la gauche de Syriza, mais les expériences concrètes nous permettent de les traverser, nous pouvons affronter cette confusion. Avant l’ouverture du Parlement, par exemple, nous avons agi avec d’autres courants de Syriza pour enrayer toute tendance au sein de parti visant à saper l’importance des engagements sur le salaire minimum et d’autres propositions faites par Syriza.

Voilà la situation. Elle est très difficile et compliquée et la seule chose que nous pouvons dire est que nous nous battrons aussi durement que possible dans cette situation, pour les objectifs et stratégies de la gauche.

Sotiris Martalis (deuxième tour des réponses) : J’aimerais ajouter un point à la question de savoir si la classe dominante peut tenter de lancer un autre parti socialiste afin de contrecarrer la popularité de Syriza. En réalité, ils ont tenté cela, en créant un nouveau parti du nom de Potami, ce qui signifie « rivière ». Potami est une formation qui reçoit beaucoup de soutien dans les médias et qui n’a pas une ligne claire.

Le problème réel pour la classe dominante n’est pas quel parti socialiste reconstruire ou créer mais la défaite politique du centre gauche, qui a donné à Syriza l’hégémonie politique. Il y a trois partis au centre gauche, l’un n’a pas atteint les 3 % nécessaires pour être représenté au Parlement. Ces partis sont donc très faibles.

L’un des problèmes auxquels doit s’affronter Syriza en ce moment est ce qui se passe lorsque des anciens dirigeants de ces partis socialistes tentent d’entrer dans Syriza. Syriza a des problèmes du seul fait de sa taille. Elle a environ 35 000 membres et a obtenu 2 250 000 voix, c’est un large écart. Ceci est un autre problème que la réalité pose à Syriza et qui doit être résolu.

1. Depuis, au cours de son discours présentant le programme de son gouvernement devant le Parlement, Alexis Tsipras a reporté cette augmentation du salaire minimum à la fin de l’année, voire à 2016. Il a également différé au second semestre 2016 la fixation du seuil de non-imposition à 12 000 euros par an (actuellement ce seuil est à 5 000 €).

2. Haymarket Books est une maison d’édition de gauche radicale aux Etats-Unis, animée par les militants de l’Internationalist Socialist Organisation.

3. Costas Lapavitsas, économiste de gauche, élu au Parlement grec le 25 janvier en tant que représentant Syriza, a pris position depuis plusieurs années en faveur de la sortie de la Grèce de l’euro (voir, par exemple, son article « Grèce, sortie de crise, sortie de l’euro », le Monde diplomatique, juin 2012).

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